Logiques Publiques

Je négocie… donc nous sommes

« Je négocie donc nous sommes » peut se lire comme la reprise actualisée du « je pense donc je suis » de René Descartes, à travers laquelle, le Sujet, sûr de son existence, prend conscience qu’il peut agir en tant que terre natale de la Vérité (Le Discours de la Méthode, 1637).

Pourquoi ?

Parce que nous n’avons pas conscience du poids et de l’importance de la Négociation dans nos vies de tous les jours, ni du temps que nous passons à négocier avec l’Autre, avec d’Autres, tous les jours même sans le savoir.

On considère globalement aujourd’hui que nous consacrons les 2/3 de notre temps à négocier (66%). C’est énorme.

Depuis l’éducation des enfants, en passant par les modalités de notre prochaine prise de poste, à la destination de notre prochain lieu de villégiature la négociation joue un rôle structurel et fondamental dans nos vies.

Mais qu’entend-on par négociation ? Au sens étymologique du terme, la négociation, qui est un terme de provenance latine (negotium), signifie de ne pas rester oisif. NEC pour ne pas, et OTIUM pour l’oisiveté. En clair, négocier traduit le fait de ne pas rester oisif.

Est-ce que cela veut dire pour autant que tout est négociable et que la négociation serait partout et dans tous les domaines et activités de nos vies ? Non bien sûr. Cela signifie que le nombre de décisions que nous prenons seul, sans l’accord ou le consentement d’une ou de plusieurs autres parties est relativement faible.

En clair, le fait de négocier revient à tomber d’accord avec l’autre partie dans l’objectif de préserver la relation.

Cela étant précisé, il convient de dissocier ce qui est négociable de ce qui ne l’est pas. Parce que tout n’est pas négociable.

La loi, les règles (l’arrêt obligatoire au feu rouge), les croyances, les éléments factuels (il fait beau), les intérêts et les croyances ne sont pas négociables. Si vous m’indiquez que vous mourez de soif ou que vous êtes fondamentalement croyant, j’aurais du mal à entamer une négociation avec vous pour vous conduire à changer d’avis !

Et c’est là que se trouve en même temps le piège et tout l’attrait de la négociation. Négocier ce n’est pas convaincre l’autre.

La négociation, c’est la capacité que nous avons tous, ou pas, à identifier nos besoins fondamentaux (nos intérêts), et ceux des autres, et de travailler à l’identification du maximum de solutions permettant à chacun de satisfaire tout ou partie de ses intérêts.

Et c’est en cela que la négociation est le contraire du marchandage. Le marchandage revient pour le plus rusé à se jouer de son interlocuteur en lui vendant par exemple une marchandise à un prix deux fois plus élevé que sa valeur réelle.

A l’inverse, la vraie négociation revient à refuser à choisir seul et unilatéralement et à considérer que l’on pourra trouver une meilleure solution avec l’autre et créer ensemble quelque chose que l’on n’avait pas forcément en tête avant l’échange et la discussion avec notre interlocuteur.

La vraie négociation en réalité revient à multiplier les objets de négociation pour se livrer à une compensation. En d’autres termes, elle revient à demander à celui avec lequel on négocie ce qu’il pourra nous donner pour satisfaire nos intérêts, qui ne lui coûtera pas grand-chose et nous rapportera beaucoup et à en faire de même avec lui.

C’est en cela que l’on considère que pour être un bon négociateur, il faut avant tout être créatif, trouver le maximum de solution derrière chacun de nos intérêts, avoir des idées.

De manière très opérationnelle, la négociation implique de préparer sa discussion le plus en amont possible pour identifier ce que l’on souhaite véritablement obtenir dans l’échange avec l’autre. Elle implique en outre d’identifier très clairement avant le début des échanges ce que l’on fera si la négociation échoue. C’est le fameux plan B. Pourquoi ? Parce que je serai d’autant plus et plus solide dans ma négociation si j’ai une porte de sortie plus satisfaisante de mon côté que celle que je peux obtenir en négociant avec l’autre.

La boite à outils

Vous pouvez recourir à la boîte à outils suivante pour tenter de construire au mieux votre négociation :

1. Tentez de soigner la relation avec votre/vos interlocuteurs. Soyez à m’écoute de ses demandes, car bien souvent, votre compétiteur d’aujourd’hui sera encore votre interlocuteur demain.

2. Les intérêts : Concentrez-vous sur les intérêts en jeu et non sur les positions, en identifiant précisément quelles sont vos réelles préoccupations dans la discussion et quelles sont les préoccupations de l’autre. Sans quoi, vous passerez complètement à côté de votre négociation.

3. Les solutions : il convient d’imaginer en amont de la discussion et tout au long des échanges un grand éventail de solutions permettant de satisfaire chacun des intérêts et procurant un bénéfice mutuel. Soyez créatifs ! Élargissez au maximum le champ des possibles en donnant libre cours à votre imagination.

4. Les critères : Ne perdez jamais de vue qu’il est indispensable de fonder les discussions sur des critères objectifs afin de renforcer la légitimité́ des intérêts que vous défendez. Sur quel critère objectif appuyez-vous votre demande de réévaluation de votre prime avec N+1, sur quel critère faites-vous reposer la commission exorbitante que vous pourriez être amené à réclamer en cas de signature par votre client d’un contrat dans lequel vous avez joué un rôle déterminant ?…

5. Enfin, mettez toujours en place une MESORE (MEilleure SOlution de REchange)/ ou un plan B avant même l’entame de la négociation. Vous serez ainsi beaucoup plus à l’aise dans l’échange avec l’autre et vous saurez s’il est plus intéressant pour vous de vous replier sur la solution que vous avez élaborée tout seul ou si vous pouvez avec l’autre une solution bien plus satisfaisante, créatrice de valeur.

Alors lancez-vous, négociez et créez….